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Cela m'est arrivé comme cela vous arrivera peut-être : à condition d'avoir 23 ans révolus, d'être inscrit sur les listes électorales, et d'avoir été sélectionné au moyen de deux tirages au sort à partir de ces listes.

Vous voici l'objet d'une "citation" vous faisant "sommation" d'avoir à vous présenter à l'ouverture d'une session de Cour d'Assises et vous précisant que "faute d'y obtempérer" vous serez passible des peines prévues par la Loi. Le style et le vocabulaire de cette invitation mériteraient un sérieux toilettage en cette fin de siècle, mais ont le mérite de souligner qu'il s'agit bien là d'une obligation résultant de l'instauration, en 1791, du jury populaire, conquête de la démocratie au moins dans les intentions.

Vous serez donc magistrat pour 15 jours (durée moyenne d'une session) et indemnisé à raison de 339 francs par jour. Mieux vaut être fonctionnaire : votre salaire vous sera versé en totalité. Pour les autres, reste la discussion avec l'employeur qui n'a aucune obligation en la matière. Autour de moi, cela se passe plutôt mal.

Le jour J, après les filtrages de sécurité, vous êtes bien accueilli par le personnel du greffe qui vous remet le programme de la session : séquestration, viol par un père de sa fille mineure, crime passionnel, tentative de meurtre, infanticide d'un bébé par son père. Vous vous sentez mal à l'aise... Arrive le Président. Sympathique, humain, il nous avertit que nous souffrirons, comme lui (qui n'arrive pas à "s'y faire" malgré plusieurs années d'expérience dans ses fonctions), et que personne n'en sortira vraiment intact. Rendez-vous est pris pour le lendemain, avec votre première affaire.

Chacune durera 2 ou 3 jours et se déroulera dans un ordre identique : étude de la personnalité par interrogation de l'accusé, témoignage des experts psychiatres, des policiers, et de toute personne citée par la défense, la partie civile ou le Président en vertu de son pouvoir discrétionnaire. Tous seront invités à s'exprimer par un surprenant " Qu'avez vous à nous dire ?" . Ensuite viendra l'examen détaillé des faits, suivi de la plaidoirie de la partie civile, du réquisitoire de l'avocat général, et enfin de la plaidoirie de la défense.



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